Cet évangile nous est assez familier, Jésus y décrit son retour en gloire, un temps où il y aura la convergence de toutes les nations et où s’opèrera une sorte de tri, d’un côté les bons et de l’autre les mauvais. Voilà pourquoi on appelle souvent ce texte l’évangile du jugement dernier. C’est un texte très dur au premier abord, car si certains, parce qu’ils ont été attentifs aux plus petits, seront sauvés dans le Royaume de Dieu, les autres, ceux qui n’ont pas accueillis ces mêmes plus petits, sont voués au châtiment éternel.
Cette seule lecture, basée sur un jugement moral, est problématique car on a l’impression de ne pas y voir la figure de notre Dieu aimant, miséricordieux et qui pardonne. Du coup, si nous faisons la vérité avec nous-même, nous nous rendons compte qu’il sera bien difficile de participer à ce Royaume annoncée par le Christ.
Peut-être faut-il y voir bien plus qu’une leçon de morale ou un humanisme bienveillant. Car au centre se trouve le Christ lui-même : " chaque fois que vous l’avez fait (donner à boire, à manger, visiter un malade...) à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait." Il ne s’agit pas seulement de se pencher vers les plus petits, mais également de servir le Christ lui-même. C’est plus profond qu’une humanité bienveillante, il s’agit de la relation même que nous pouvons avoir avec Dieu. Il nous faut prendre conscience de la force, de la profondeur, de la puissance de cette parole de Jésus : "chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait."
Ici Dieu, par Jésus son Fils, s’identifie aux plus petits, bien plus il dit : " je suis ce plus petit". Bien sûr, en entendant cela, nous comprenons combien nous sommes encore loin de l’amour qu’à Dieu pour nous et combien notre amour est pauvre et limité.
La révélation de ce Dieu Très Haut qui se fait le très-bas a de quoi nous faire peur. Parce que ça révèle aussi le combat que nous devons mener pour ouvrir davantage notre regard. Notre confort, nos habitudes sont perturbées par cette révélation d’un Dieu qui se fait connaître dans le service et dans le visage des plus petits. Un appel qui résonne fortement en ce temps de crise sanitaire. Cet évangile nous rappelle également la force de notre engagement lorsque nous décidons de suivre le Christ. C’est un texte fondamental parce qu’il nous invite non seulement à nous tourner vers les autres, mais aussi parce qu’à travers ces autres, ces plus petits, il nous est donné de connaître davantage Dieu et d’entrer plus profondément en relation avec lui.
Détourner le regard des plus petits, des plus pauvres c’est se détourner de Dieu. C’est dur à entendre, cela peut être aussi écrasant, mais rappelons-nous la confiance qu’à Dieu en nous. Il sait qu’il est parfois difficile d’aimer, difficile de pardonner, difficile de sortir de notre habitude pour nous. Par contre il sait aussi que nous sommes capables, ensemble, de grandes choses. Nous sommes capables de regarder celui qui a besoin et de nous dire que cet autre qui me dérange et parfois me blesse est aimé de Dieu, qu’il est une part de l’identité même de Dieu.
Ne craignons pas un jugement de Dieu, mais entrons plutôt dans cette relation proposée pour mieux connaître qui il est. C’est un combat sur soi, c’est une lutte intérieure, c’est une violence qu’il faut parfois se faire. Mais c’est aussi la joie de servir Dieu dans ce plus petit, le bonheur de recevoir des dons souvent inattendus dont nous n’aurions jamais eu conscience si un jour je n’avais pas posé un regard ou tendu la main vers ce plus petit qui est mon frère. Ce plus petit qui est le Christ.