Le bonheur d’être aimé et de compter pour d’autres, le bonheur de faire ce que l’on aime au plan professionnel, le bonheur d’une famille unie, le bonheur de ne pas être obligé de compter à la fin du mois autrement dit être débarrassé des soucis matériels, le bonheur de se rendre disponible pour les autres et de servir. Mais dans cette page de l’évangile, le chemin du bonheur que nous propose Jésus est fait de renoncements à la force, au pouvoir, à la possession, voir même heureux ceux qui pleurent ! Un bonheur qui nous semble difficile et inaccessible tellement il nous semble loin de nos désirs et de nos rêves.
Aucun d’entre nous ne désire être pauvre. Nous avons plutôt envie de combattre la pauvreté matérielle, de soutenir ceux qui sont opprimés pour la justice, de partager afin que tous sur cette planète puissent manger à leur faim. Et Jésus nous encourage sur ce chemin du combat pour la justice et la défense des plus pauvres. Alors comment comprendre ces béatitudes ?
Si nous y regardons de plus près, nous découvrons que ce texte se situe au début de l’évangile de Matthieu, comme le projet de vie de Jésus. Il vient au milieu des hommes en vrai pauvre, en choisissant d’épouser notre humanité, il en accepte toutes les conséquences. Il va connaître le rejet, la souffrance à cause de ses prises de position contre les chefs religieux et politiques. Comme tout homme, il va aussi pleurer devant la détresse des siens, auprès du tombeau de son ami Lazare. Il se montre accueillant à tous et miséricordieux par le pardon qu’il accorde, les guérisons qu’il opère.
Dans les béatitudes, Jésus nous propose un chemin de vie spirituel fait d’humilité et simplicité, comme le propose le prophète Sophonie. Un chemin qui s’inscrit à contre courant de l’ambiance générale, il faut absolument réussir et Jésus nous rappelle que lorsque nous sommes dans la fragilité, c’est alors que nous nous faisons proches du Christ, lui qui a donné sa vie pour nous et qui nous assure que le royaume de Dieu est ouvert pour nous. C’est lorsque nous sommes dans le manque que Dieu peut prendre place dans nos vies. Lorsque nous nous confrontons avec l’injustice, que nous luttons pour la paix, que nous acceptons de pardonner, Dieu notre Père peut venir demeurer en nous. Il fait de nos échecs apparents un chemin vers Dieu notre Père et nous rappelle ainsi que notre avenir de croyants se trouve en lui qui est à l’origine de tout.
Nous aimerions être des chrétiens exemplaires, irréprochables, or nous reconnaissons comme Saint Paul nos limites et notre péché ; mais Dieu n’a pas honte de nous, c’est tel que nous sommes qu’ils nous prend pour être son église au milieu du monde, « ce qu’il y a de faible dans le monde voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort » afin que ce ne soit pas notre œuvre mais la sienne. Si nous acceptons de nous présenter devant lui les mains vides, pauvres, conscients de nos limites et de nos fragilités, alors il pourra nous transformer lentement.
Aujourd’hui, nos communautés sont petites et plus fragiles à cause de leur nombre, nous avons l’impression d’assister à la fin d’une époque, au lieu de nous lamenter sur notre sort, faisons de notre faiblesse une force. Osons la joie annoncée dans les béatitudes. Croyons dans la fraternité à vivre et à construire au jour le jour. Et le monde finira par reconnaître celui qui nous habite et nous fait vivre, que cette joie n’est pas qu’humaine mais qu’elle vient de Dieu.