Emilia, une prostituée sicilienne, avait vu tuer sous ses yeux sa compagne de chambre. Elle rassembla ses quelques affaires, les mit sur le camion d’un « ami » et arriva à Rome où je fis sa connaissance. Une communauté la prit en charge, lui trouva un petit studio. Elle buvait beaucoup mais refusait de chercher un travail.
Un jour, venue lui rendre visite, je la trouvai un peu ivre mais débordante de joie, bienheureuse aurait dit Jésus. « Tu connais Irma ? » me dit-elle ? Oui, je connaissais cette femme clocharde, abandonnée par son mari parce qu’elle buvait et qui vivait dans une cabane au milieu des vignes. Emilia m’expliqua : « Je l’ai trouvée en train de ramasser des pissenlits pour manger quelque chose. Alors j’ai cherché une place de femme de ménage et je partage avec elle ce que je gagne ».
Peu de temps après Emilia mourut, usée par l’alcool et son ancien métier. N’est-elle pas une sainte, elle qui a su ouvrir son cœur à la détresse d’Irma, la fréquenter malgré sa puanteur et sa saleté ? Ne fait-elle pas partie de ces bienheureux pauvres en esprit, pauvres de vertus, mais riches d’amour ?
Elle qui avait tant pleuré, a trouvé la consolation en se faisant proche d’une plus pauvre qu’elle. Sa faim de justice l’a poussée à partager son petit salaire. Elle qui avant tant lutté pour maintenir sa place sur le trottoir a su, par son amitié, pacifier Irma, la révoltée.
Odile van Deth